Dialogues#samedi 3 mai 2025 -L’attrait des cafés avec Eric Zernik

Dialogues- samedi 3 mai 2025 -L’attrait des cafés avec Eric Zernik
Animatrice: Isabelle Raviolo
Invité: Eric Zernik, professeur agrégé de philosophie.
Image du podcast et du livre de C et E Zernik, bande à part, J-L Godard, 1964
Préambule: Pierrot le fou, J-L Godard, 1965
-Marianne : “Oh, moi, je suis très sentimentale, c'est tout. Faut être rudement con pour trouver ça mystérieux.”
Dialogues aligre a ses cafés de prédilection pour accueillir ses invités ou poursuivre la discussion -souvent trop courte- à l’antenne: D’abord, il y eut Le Petit Panisse à l’angle de la rue de Montreuil et de la rue Titon puis, La Halte, à l’angle du boulevard V. Auriol et au pied du métro Nationale. Les cafés nous importent: ils construisent les dialogues, habitent nos solitudes et permettent des arrêts-sur-image ou des photogrammes. On se souviendra de la gnossienne de Satie qui accompagne la solitude de Maurice Ronet, spectateur de la foule et des passants à la terrasse du café de Flore dans feu follet de Louis Malle(1963).
Les bistrots qui reflètent les heures de la journée et les saisons de l'année, échappent aux grandes institutions. Ils offrent un espace à la précarité du quotidien et ont permis au cinéma d'ouvrir les écrans aux "petits riens" de l'existence qui font une humeur et une ambiance. Ce n'est donc pas un hasard si le café-bistrot se trouve être le décor privilégié du cinéma de la Nouvelle Vague. Le café, lieu de perdition de la jeunesse, de la paresse et de l'oisiveté, du temps qui passe et du temps perdu, devient le catalyseur parfait d'un cinéma qui se détourne de l'action et s'ouvre à une sentimentalité de comptoir, aux ambiances et aux climats, à cette vibration particulière du quotidien. On ne sait que trop, à la campagne, ce que signifie la tristesse de la disparition d’un café ou d’un PMU tandis que le luxe offre, à Paris, la multitude kaléidoscopique de ses troquets. Quel attrait procure un café? Quelle compagnie y trouvons-nous?A quels cafés sommes-nous attachés? De quoi le café est-il le lieu? Quels sont les temps du et pour un café? Qui et que retrouve-t-on au café, au bistrot, au bar, au troquet, sur le zinc? Le café: synecdoque du contre-temps ou du contre-champ?
-Lecture de Baudelaire par E.Zernik: Le peintre de la vie moderne- III L’artiste, Homme du monde, homme des foules et enfant.
“Vous souvenez-vous d’un tableau (en vérité, c’est un tableau !) écrit par la plus puissante plume de cette époque, et qui a pour titre l’Homme des foules ? Derrière la vitre d’un café, un convalescent, contemplant la foule avec jouissance, se mêle, par la pensée, à toutes les pensées qui s’agitent autour de lui. Revenu récemment des ombres de la mort, il aspire avec délices tous les germes et tous les effluves de la vie ; comme il a été sur le point de tout oublier, il se souvient et veut avec ardeur se souvenir de tout. Finalement, il se précipite à travers cette foule à la recherche d’un inconnu dont la physionomie entrevue l’a, en un clin d’œil, fasciné. La curiosité est devenue une passion fatale, irrésistible !(...) La foule est son domaine, comme l’air est celui de l’oiseau, comme l’eau celui du poisson. Sa passion et sa profession, c’est d’épouser la foule. Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde, tels sont quelques-uns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants, passionnés, impartiaux, que la langue ne peut que maladroitement définir. L’observateur est un prince qui jouit partout de son incognito. L’amateur de la vie fait du monde sa famille, comme l’amateur du beau sexe compose sa famille de toutes les beautés trouvées, trouvables et introuvables ; comme l’amateur de tableaux vit dans une société enchantée de rêves peints sur toile. Ainsi l’amoureux de la vie universelle entre dans la foule comme dans un immense réservoir d’électricité. On peut aussi le comparer, lui, à un miroir aussi immense que cette foule ; à un kaléidoscope doué de conscience, qui, à chacun de ses mouvements, représente la vie multiple et la grâce mouvante de tous les éléments de la vie. C’est un moi insatiable du non-moi, qui, à chaque instant, le rend et l’exprime en images plus vivantes que la vie elle-même, toujours instable et fugitive”
Archive: extrait du film Vivre sa vie, J-L Godard 1962
Livres de référence
Le peintre de la vie moderne, Baudelaire, folio
L’attrait des cafés, Clélia et Eric Zernik, yellow now, 2017
Télécharger le podcast
DIFFUSION sur la FM :
Lundi - vendredi : 4h -12h et 17h - 21h
Samedi : 16h - minuit
Dimanche : 00h - 14h et 22h - 4h